samedi 28 février 2015

Nouvelle 19 : Tout fout le camp - John N. Turner



En ce 31 juillet, Jean-François de la Peyrière de Prandie s’embarque à Roissy sur le premier vol Air France de la journée pour Washington DC. Il se glisse discrètement dans la file des passagers privilégiés de la classe affaires. La chef de cabine l’oriente en souriant vers les fauteuils cossus de la tête de l’appareil. Une hôtesse montée sur talons aiguilles lui présente les quotidiens. Il sélectionne Les Échos et range sa serviette en cuir Louis Vuitton dans le compartiment à bagages. Un steward distribue des petites coupes de champagne. Jean-François bascule son fauteuil en position horizontale et se relâche. Il reluque discrètement les jambes du personnel, une vieille habitude qu’il tient de son père. Il ouvre son journal en sirotant sa petite coupe de mousseux. Il grimace légèrement, le vin est acide. Le service se dégrade sur Air France pense-t-il. « Tout fout le camp ». Une phrase qu’il a souvent entendue et répétée. Il ouvre le petit sachet de cacahouètes, vérifie l’heure sur sa Rolex (à quarante-cinq ans, il possède déjà les oripeaux d’une vie pleine et réussie). Il grimace à nouveau. La façade de la Rolex est fendue. Il l’a laissée tomber sur le carrelage de la salle de bains le matin même. Le trait de refend passe au-dessus de la goutte d’eau qui est l’estampille du luxe horloger. Il pense à ce cadeau que lui a fait Brigitte à l’occasion de ses quarante ans. Il éteint son smartphone haut de gamme protégé par son étui en cuir.
Jean-François est issu d’une des familles de la noblesse la plus vieille que la France ait connue. L’arbre généalogique remonte au XIIe siècle. Elle est ancrée sur les terres de Gascogne de ses ancêtres, dans une galerie de portraits abritée dans la propriété somptueuse du comte de Prandie. La branche de Prandie ayant été féconde, son grand-père a dû abandonner ses droits sur le château à ses aînés, après avoir fait fortune dans l’industrie du textile. Il a racheté pour ses besoins personnels « Le petit pommard » une propriété bourgeoise au nord de Beaune plus proche de Paris. Le petit Jean-François a grandi dans le refuge parisien, un magnifique appartement haussmannien du 16e arrondissement situé rue de la Pompe. Il a passé ses week-ends en Bourgogne et ses étés à l’île de Ré. Il est entré à JDS (Janson de Saillie) à six ans, pour en sortir à dix-huit ans, reçu au baccalauréat avec mention très bien. Il appartenait à cette élite privilégiée dont les générations successives ont usé les bancs inconfortables de JDS. Jean-François s’illustrait dans les matières littéraires, mais il ne disposait d’aucun talent pour résoudre les problèmes de mathématiques. Il fut accusé un temps par son père de porter atteinte à la réputation familiale. Le père et le grand-père trônent toujours en bicorne dans le salon du « Petit Pommard ». Résigné, il s’était inscrit à Science Po à défaut de briller à résoudre des équations. Il ne serait pas polytechnicien. Il n’était pourtant pas dénué de talent. Il avait une facilité pour l’écriture et les langues étrangères. Il s’était découvert une passion pour l’économie et la géopolitique. Le rugueux concours de l’École Nationale d’Administration l’avait laissé sur le carreau par deux fois après le supplice du grand oral. Le concours externe du Ministère des Affaires étrangères lui avait offert un strapontin honorable. Les portes du Quai d’Orsay s’entrouvraient. Il était passé par les langues orientales qui le conduisaient vers un premier poste à Tokyo. Évidemment, il ne jouait pas dans la même cour que les énarques. Il ne serait jamais ambassadeur de France, mais il aimait cette vie d’expatrié. Il était passé à Shanghai, où il avait rencontré sa femme Brigitte. Elle travaillait alors pour une filiale de la Compagnie Générale des Eaux. Elle avait abandonné sa carrière pour le suivre à Phnom Penh, puis Bangkok où leurs deux fils Octave et Arthur étaient nés. Brigitte souhaitait que Jean-François soit affecté dans un pays où il est plus facile de scolariser les enfants. L’Europe ne l’intéressait pas. Il avait demandé à être affecté au département « Amériques » du Quai d’Orsay. La compétition était rude. Il avait dû avaler quelques couleuvres de taille variable. Il acceptait de remplacer un conseiller d’ambassade à Lagos. Il revenait au Quai pour deux ans dans l’attente d’un poste à New York ou Washington. Plusieurs énarques pur jus lui grillaient la priorité. Il acceptait une affectation à Abidjan. On lui promettait la représentation française à l’ONU à New York, il récupérait un billet pour Dakar. À force de persévérance il avait finalement atterri comme premier conseiller d’ambassade à Washington DC. Ça tombait bien familialement. Les enfants rentraient juste au lycée.
Ce 31 juillet, Jean-François arrive au terme de son expérience dans la plus grosse représentation à l’étranger. Après trois ans passés à sillonner les États-Unis, c’est le retour au bercail. Il est muté au Quai. La famille de la Peyrière de Prandie rentre sur Paris. Il vient de raccompagner Brigitte, Octave et Arthur au pays. La famille campe chez ses beaux-parents en Provence, pendant que lui gère le déménagement. Cette période est toujours délicate, quand la famille se retrouve suspendue entre deux lieux, écartelée temporairement entre deux continents.
Jean-François atterrit en célibataire ce samedi. Il a rendez-vous lundi matin avec les déménageurs, avant de s’envoler pour un dernier rendez-vous à Los Angeles.
L’A380 se pose sur le tarmac étouffé par la chaleur de l’été. Il déverse ses classes affaires dans les étranges véhicules sur roues qui transportent les voyageurs entre les terminaux. Évidemment, Jean-François est orienté vers la file des privilégiés qui bénéficient d’une protection diplomatique. Il coupe la queue qui serpente dans l’immense hall d’accueil des vols transatlantiques. Derrière lui, s’agglutine l’équipage du vol qu’il vient d’emprunter. D’un petit regard en coin, il profite une dernière fois des jambes de l’hôtesse de la classe affaires. L’officier d’immigration vérifie la photo, mais ne prend pas les empreintes digitales, privilège diplomatique oblige. Jean-François n’est pas comme tous les voyageurs. Il est cependant tendu. Les messages s’accumulent dans son téléphone qu’il sent vibrer dans la poche de son pantalon. Il récupère sa valise, passe les contrôles de la douane. Dehors, la chaleur écrase l’air. Sa chemise lui colle immédiatement dans le dos. Une fois assis dans son coupé noir aux plaques diplomatiques, il met le contact et pousse la clim au maximum. Il fait défiler ses messages. Brigitte ne l’a pas encore appelé. Tant mieux. La vision du verre cassé à sa montre le contrarie. Il déteste porter des accessoires abîmés.
Il démarre en trombe. Jean-François exècre la conduite pépère des Américains. La route qui mène au District de Columbia est déserte à cette heure de la journée. Il fonce largement au-dessus des limitations de vitesse, tout en surveillant la présence de troopers dans le rétroviseur. Il bifurque sur la 270 qui l’amène à Bethesda.  
Sa villa est cachée au fond d’une impasse arborée avec piscine. L’ambassade loge dignement ses principaux conseillers diplomatiques. Il gare la voiture dans l’impasse, compose le code de l’alarme, met en marche la clim.
Il se sert un scotch sec et dégaine son smartphone. L’engin vibre. Brigitte l’appelle. Il hésite à décrocher. Elle entame la litanie des plaintes. Il met le haut-parleur, pose le téléphone sur une tablette et réponds par des petits « hum, hum » entrelacés par des « ah bon ? » interrogatifs. Il écoute avec distance les difficultés de Brigitte avec le quotidien, les gamins qui lui font les quatre-cents coups. « Une bonne raclée, ça les calmerait bien » pense-t-il dans sa tête avant d’enchaîner intérieurement avec son antienne « Tout fout le camp ». Puis, il prétexte un appel de l’ambassadeur pour écourter la conversation.
En fait d’ambassadeur, c’est Jennifer qui décroche. Son ton s’adoucit brutalement à l’écoute de sa voix suave. Son cœur bat. Il l’a rencontrée, il y a seulement un mois dans un cocktail à la résidence de l’ambassadeur. Il traînait comme une âme en peine, quand elle surgit une coupe de champagne à la main derrière les tentures rouge et or aux armes de la république. Jennifer est une petite poupée blonde à la plastique d’actrice hollywoodienne et aux manières directes d’Américaine. Évidemment, il a appris qu’il fallait résister à la tentation, certainement il a tenté d’obéir à son devoir, mais inéluctablement il est tombé dans le panneau. Il l’a invitée le lendemain dans un restaurant huppé de Georgetown, l’a embrassée dans le coupé noir, lui a caressé les seins, puis a passé une partie de la nuit chez elle.
Depuis, elle le harcèle. Il a beau avoir été prudent, ils ont quand même échangé des courriels et des textos compromettants. Jean-François tente de l’éviter, mais d’un autre côté elle le hante depuis la première nuit.
Il sait qu’il ne la reverra plus, que c’est son dernier week-end à Washington avec elle. Il veut profiter un peu de son corps et de sa fougue décomplexée.
Jennifer sonne déjà. La petite garce a donc perdu son après-midi à l’attendre dans la rue. Jean-François se rue à la porte avant que ses voisins ne la découvrent. Bethesda est presque un village et les Français pullulent. Ses yeux balayent rapidement la rue, heureusement déserte. Il est soulagé. Il la tire un peu brusquement à l’intérieur. Elle porte si bien cette mini-jupe un peu vulgaire. Il l’embrasse goulûment sans préavis. Leurs langues s’interpénètrent. Jennifer plonge déjà sa main dans la braguette de Jean-François. Elle soulève sa robe. Il la pénètre contre la porte de l’entrée avec une facilité qui le déconcerte. C’est si facile de tromper sa femme. Un instant fugace le visage de Brigitte lui surgit à l’esprit. Cette vision le fait redoubler d’ardeur dans Jennifer qui gémit doucement tandis qu’il se vide en elle.
Jennifer se relève une fois le devoir accompli. Elle remonte sa petite culotte, les cheveux en bataille. Jean-François se rhabille lentement.
« Tu veux boire quelque chose, Jenny ?
— Un gin on the rocks. »
Il se rend dans la cuisine, fouille entre les cartons à la recherche de la bouteille de gin. Dans le congélateur c’est la désolation. Brigitte l’a vidé et les bacs à glaçons ont déjà été empaquetés. La machine à glace ne marche plus. Jean-François claque les portes des placards vides. Jennifer s’approche.
« Vous déménagez ? demande-t-elle en découvrant les cartons empilés.
— Non Jenny ! C’est ma femme qui a fait un grand ménage de printemps, s’empresse-t-il de mentir.
— Tu mens Jeff ! »
Il déteste se faire appeler Jeff. Jeff de la Peyrière de Prandie ! Et puis quoi encore ? Ses joues trahissent son embarras. Cette petite garce est coriace ! Elle n’est pas idiote non plus ! « Tout fout le camp, elle a aucun respect », maugrée-t-il intérieurement. Pour toute réponse il la repousse contre le mur en l’embrassant farouchement, une de ses mains lui palpant les seins à la manière d’un de ses aïeux exerçant son droit de cuissage. Il ne va pas non plus lui rendre des comptes sur sa vie de famille et ses déménagements. Elle sait bien qu’il est marié, diplomate et qu’il ne va pas rester longtemps aux USA.
« Tu as cassé ta montre ?
— Oui, aujourd’hui c’est pas mon jour de chance. »
Son sourire se crispe.
«  Tu veux vraiment des glaçons ?
— J’ai du mal à boire le gin chaud. » répond-elle en affichant une moue aimable.
Jean-François comprend qu’il doit descendre à la cave. Il n’aime pas y aller, mais le congélateur de secours y est installé. D’habitude c’est Brigitte qui s’y colle, mais là il va devoir y aller. Il saisit la lampe torche pendue derrière la porte qui ouvre sur un escalier poussiéreux. Il descend prudemment les marches branlantes. Une odeur à mi-chemin entre le moisi et le rat crevé empeste l’escalier.
Une fois la porte de la cave ouverte, c’est franchement l’odeur de rat crevé qui domine. C’est normal, le congélateur a sauté, un jus noirâtre s’écoule de la porte. « Bordel, tout fout le camp dans cette baraque » lâche-t-il. Il tire la porte du congélateur. C’est la bérézina.
« Qu’est-ce qui se passe, Jeff ? demande Jennifer.
— Rien de grave, Jenny, sauf que je crois que tu prendras ton gin sec. »
Il regarde l’heure à sa montre fendue et frotte la poussière noire de moisissure qui s’est déposée sur ses manches. Jennifer descend les marches en grimaçant avant qu’il n’ait pu remonter.
« Ça pue, ton truc, i’ faut le nettoyer, tu peux pas laisser ça aux déménageurs !
— Je t’ai dit qu’il n’y a pas de déménageurs, soupire Jean-François.
— Allez, arrête de me prendre pour une conne Jeff. Je sais très bien que tu retournes en France, énonce-t-elle d’une voix assurée. »
Comment peut-elle l’affirmer avec autant d’aplomb ? Il préfère ne pas y penser. S’il s’est fait griller par une taupe d’un service secret étranger sa carrière est finie. L’odeur devient insupportable. De minuscules gouttes de sueur perlent sur son front, se reflétant comme des milliers d’étoiles dans le faisceau de la lampe. Jennifer prend l’initiative. Elle ouvre la porte du congélateur en panne. Un sac de viande congelée noirci tombe à terre. Il s’éclate en laissant couler un jus pestilentiel. Jean-François évite de justesse de le prendre sur ses chaussures mais une giclée éclabousse son pantalon. Il s’énerve et remonte l’escalier en jurant. Jennifer le suit. L’odeur qui remonte de sa jambe lui donne la nausée. L’idée de faire le ménage à la place de sa femme le révulse. Il ne veut pas se rabaisser à ça. Surtout devant sa maîtresse du moment. La dernière fois qu’il a tenu un balai entre les mains, il y avait été forcé. C’était pendant ses classes à l’armée. Devoir y passer serait déroger à son rang, son sexe et sa classe sociale. De toute façon, Constella la fée du logis et bonne à tout faire hondurienne qu’il emploie passera lundi matin pour nettoyer les dégâts.
Il monte dans sa chambre se défait de ses vêtements sales qu’il jette dans une panière et fonce sous la douche. Jennifer le suit avec un naturel déconcertant. Elle s’immisce dans la chambre sur la pointe des pieds comme si elle y avait toujours vécu. Jean-François se retourne sur elle, l’air contrit. « Tout fout le camp » peste-t-il intérieurement. Décidément, il l’aura ressassé sa phrase favorite aujourd’hui ! Il ne lui dit pas, mais le viol délibéré de son espace d’intimité marital le contrarie. Les vêtements de Jennifer sont déjà au sol. Elle s’avance nue vers lui. Jean-François comprend qu’un léger glissement s’opère. Il ne maitrise plus la situation. Cette étrangère s’est introduite chez lui, et lui frotte les organes génitaux avec le gel douche que lui a offert Brigitte. Les massages de Jennifer le détendent légèrement. Mais cette histoire de congélateur l’énerve.
Les deux amants s’embrassent longuement, s’enduisent de crème, se caressent l’intimité dans la moiteur de la douche. À la sortie, ils se frottent vigoureusement dans deux serviettes éponges moelleuses. Jennifer le pousse contre le matelas. Jean-François se recule, comme s’il refusait symboliquement l’adultère dans le lit conjugal, dernier carré que Jennifer souhaite délibérément violer. Elle insiste. Son corps s’incline doucement. Jean-François bascule mollement sur l’édredon. Elle s’assied sur lui tout en se laissant pénétrer. Les amants s’abandonnent dans une longue séance de corps à corps langoureux. Il se laisse aller à ce jeu dangereux. Il n’a jamais trouvé une maîtresse plus extravagante pour les positions qu’ils testent sans retenue comme deux jeunes libertins.
La nuit commence à tomber quand Jean-François fouille son dressing à la recherche d’un costume propre. Jennifer le regarde, allongée nue sur le lit conjugal, comme sur un trophée conquis de haute lutte.
Quand les deux amants descendent, une réalité désagréable les accueille. L’odeur de putréfaction insoutenable a envahi le rez-de-chaussée.
« Tu ne vas pas laisser ce congèle en l’état, quand même ?
— De toute façon tu vois bien qu’avec ce costume clair, je suis pas en tenue ! »
Jennifer lui barre la route de la sortie.
« Écoute Jeff, si tu fais rien ça va devenir de pire en pire. Demain, tu pourras plus respirer, même en haut. Plutôt que d’aller au restaurant, tu commandes deux pizzas et on se met au travail pour nettoyer ce truc. »
Jean-François de la Peyrière de Prandie est épuisé. Malgré la longue sieste en classe affaires, il accumule le décalage horaire, la fatigue du voyage et une soirée déjà bien agitée. Il sent que Jennifer ne le laissera pas sortir de chez lui.
« Tu as des fringues de ta femme que je pourrais enfiler pour nettoyer ? »
La question désarçonne Jean-François. Il n’a jamais tellement fait attention aux vêtements de sa femme, mais il doit pouvoir lui trouver un jogging.
Les deux amants remontent dans la chambre conjugale s’équiper. Les voilà en tenue d’intervention.
« T’as des gants, des sacs-poubelle, des produits détergents ? »
Jean-François sait vaguement où Constella range ses produits. Ils fouillent la cuisine. Jennifer trouve rapidement ce qu’elle cherche. M. de Prandie s’effondre sur un fauteuil, le regard dans le vague. Sa maîtresse paraît avec deux gants Mappa en main, un balai-brosse, des serpillères, et des sacs-poubelle.
« C’est parti Jeff ! » lance-t-elle. Jean-François se lève, résigné la lampe torche à la main.
C’est assez bizarre, cette sensation qui l’étreint en descendant, comme un pressentiment qu’il n’aurait jamais dû mettre les pieds dans cette cave sombre et pestilentielle. Il regrette déjà de ne pas s’être équipé des pinces à linge pour se boucher le nez. La porte entrouverte du congèle exhale cette puanteur infecte. Jennifer prend les choses en main. Elle comprend que si Jean-François est doué pour certaines choses du sexe, il n’a aucun sens pratique.
Elle s’attaque aux tiroirs supérieurs dont elle extrait les sacs avariés qu’elle jette dans les sacs-poubelle noirs. Jean-François oriente la lampe torche et scelle les sacs avec l’obsession d’éviter de se salir les vêtements. Les stocks alimentaires de la famille de Prandie s’entassent dans des sacs-poubelle.
Le dernier tiroir résiste.
« Jeff, y a un truc qui coince ! »
Jean-François se baisse et tire de toutes ses forces. Il appuie d’un pied contre le congélateur. Le plastique lâche et le contenu se déverse sur le sol.
Jennifer hurle. Jean-François est tétanisé par ce qu’il découvre. Une petite main humaine de la taille d’un poupon émerge d’un sac-poubelle. La main noircie par la décomposition coinçait le bac. Il balaye le faisceau lumineux sur le sac. Il avance sa main gantée tremblante. Le corps d’un nouveau-né largement décomposé git dans son berceau de plastique, le cordon ombilical enroulé autour de son cou. Jennifer affolée remonte les escaliers en courant. Jean-François la suit. Elle cherche son sac à main pour appeler la police, mais dans l’affolement, elle ne sait plus où elle l’a posée. Dans l’entrée ou dans la chambre à coucher ?
« C’est quoi ça Jeff ? C’est toi qui l’as étranglé ce gamin ?
— Mais non, c’est pas moi ! Si j’avais su, je te l’aurais caché ! Je suis pas idiot !
— Je te crois pas Jeff ! Tu mens Jeff ! Tu mens ! tu mens ! Tu m’as menti pour ton déménagement ! Et maintenant, tu me fais croire que c’est pas toi qui as tué et congelé ce gamin ! »
Jean-François essaye de réfléchir rapidement. « Tout fout le camp ! » marmonne-t-il, exaspéré par sa situation. Ce n’est pas lui qui a posé ce gosse dans le congèle. La seule personne qui ait pu le faire, c’est Brigitte. Sa femme ! Ça veut aussi dire que ce gamin est son fils ! Il n’avait rien vu venir. Effectivement, Brigitte faisait un peu le yoyo avec la balance, mais quand même. Il n’y avait vu que du feu. Il n’aurait jamais pu imaginer ça ! Un bébé congelé ! Elle lui avait fait un gosse congelé ! Brigitte s’était vautrée dans son dos dans un de ces faits-divers sordides !
Quand il revient à la réalité, il est déjà trop tard. Jennifer discute au téléphone avec un flic du 911. Jean-François lui saute dessus, lui arrache le téléphone des mains. Ils se battent. Jennifer hurle au secours. Au téléphone, la voix demande l’adresse. Le boîtier glisse sous le lit. Jean-François la lâche. Elle rampe en hurlant l’adresse des Prandie. Il lui décoche une claque qui la déséquilibre. Dans la violence du choc, le bracelet de la Rolex se défait et tombe sur le sol, la vitre brisée en mille éclats. Jennifer surprise, bascule en arrière contre le marbre de la salle de bains. Son crâne rebondit lourdement.
Elle git inconsciente. Un filet de sang rouge perle par ses lèvres soudain pâles.
« Putain ma Rolex ! » gronde Jean-François. « Tout fout le camp, c’est pas possible ! »
Des sirènes de police sonnent au loin.
Une pensée étreint soudain Jean-François.
Il abandonne le corps de Jennifer et descend à la cave. Il tire le congélateur et découvre ce qu’il suspectait. Il n’est pas en panne, il est juste débranché. Il se souvient que Brigitte avait découvert un sexto de Jenny sur son portable avant son départ. Cette salope ne lui avait pas fait l’esclandre de la femme trompée. Il avait déjà eu tant de maîtresses. Jenny n’était qu’une consommation de plus dans la longue liste de ses infidélités. Il se souvient qu’elle était descendue à la cave le matin de leur départ pour la France. Brigitte était partie en débranchant le congèle. Elle avait secrété sa vengeance ultime.
Il est cerné par la police. Sa maison est encombrée du corps décomposé de son fils. À l’étage git celui plus fâcheux de sa maîtresse dont le sperme qui coule entre les jambes suggère une scène de viol qui a mal tourné.

Tout a définitivement foutu le camp pour Jean-François de la Peyrière de Prandie.

1 commentaire:

  1. C'est rythmé, y a de l'idée mais pour moi ça n'a jamais décollé et j'attendais un rebondissement plus estomaquant alors que là, je me dis que c'est tiré par les cheveux.

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